Cours Dynamique des populations : Croissance bactérienne

Intéressons-nous ici au processus de division cellulaire permettant d’obtenir deux cellules à partir d’une seule. Lors de cette phase il y a une répartition du matériel génétique, sous forme d’ADN, entre les deux cellules filles.

Nous savons que l’ADN ou l’Acide désoxyribonucléique est le support de l’information génétique. Il est composé d’un assemblage de nucléotides.

Un nucléotide est composé :

  • D’un sucre : le désoxyribose
Desoxyribose
  • D’un groupement phosphate
  • D’une base azotée purique ou pyrimidique 

Chaque nucléotide va s’assembler grâce à des liaisons phosphodiester, formant ainsi un des deux brins de l’ADN.

Les deux brins antiparallèles s’enroulent l’un autour de l’autre pour former une double hélice. L’association de ces deux brins d’ADN s’effectue grâce à la complémentarité des bases (azotées). La guanine s’associe avec la cytosine (G/C) avec 3 liaisons Hydrogène. L’adénine elle s’associe avec la Thymine (A/T) à l’aide de 2 liaisons Hydrogène.

Après avoir rappelé la composition de l’ADN, nous pouvons nous demander comment la répartition du matériel génétique va s’effectuer entre les deux cellules filles ?

Meselson et Stahl ont cherché à comprendre ce mode de réplication de l’ADN. Ils avaient trois théories :

  • Il y a réplication selon un mode conservatif : à partir d’une molécule d’ADN double brin « mère », on forme une nouvelle molécule d’ADN double brin totalement différente.
  • Il y a réplication selon un mode semi-conservatif : Chacun des deux brins de la molécule d’ADN « mère » va servir de matrice pour former un nouveau brin complémentaire. Il y aura donc conservation de la moitié de la molécule mère.
  • Il y a réplication selon un mode dispersif : Il y a un mélange entre des parties de la molécule d’ADN « mère » et des parties d’ADN néo-formé.

Pour cette expérience Meselson et Stahl partent de la bactérie E. coli, ils la mettent en culture dans un milieu contenant de l’azote 14 (14N) et un autre de l’azote 15 (15N). Ces deux premiers tubes constituent les témoins.

Après incubation, ils prélèvent une partie de la culture afin d’extraire l’ADN des bactéries (lyse des cellules). Ils centrifugent alors cet ADN.

Ils observent que les deux ADN cultivés dans des milieux différents (14N et 15N) n’ont pas la même densité. En effet, rappelons que l’ADN est constitué de nucléotides, eux même composés de base azotée qui par définition contient de l’azote.

Afin de construire son matériel génétique la cellule utilise l’azote du milieu, nous obtenons donc un ADN léger lorsque l’on cultive les bactéries dans un milieu riche en azote 14 et un ADN plus lourd avec de l’azote 15.

Pour leur expérience Meselson et Stahl débutent par une culture de E. coli dans un milieu contenant de l’azote 15 (15N). Après incubation, de la même manière que précédemment, ils extraient l’ADN, le centrifuge, et obtiennent un ADN lourd.

Cette même culture est alors mise dans un milieu contenant de l’azote 14. Après extraction et centrifugation ils obtiennent un ADN avec un poids intermédiaire. Cela tend donc à dire que le mode de réplication n’est pas conservatif.

En poursuivant l’expérience, et une succession de mises en culture dans un milieu contenant de l’azote 14, ils observent que la proportion d’ADN léger et intermédiaire change. Ces observations indiquent donc que le mode de réplication de l’ADN chez les procaryotes se fait de manière semi-conservative.

Nous venons de voir le mode de réplication utilisé par la cellule pour diviser son ADN. Voyons maintenant comment deux cellules « apparaissent » à partir d’une seule, c’est la fission binaire.

Prenons l’exemple d’une bactérie en bâtonnet (bacille) telle que E. coli, la cellule va s’allonger jusqu’à atteindre 2 fois sa longueur d’origine. Apparait alors ce que l’on appelle le spetum, point de division résultant de la croissance vers l’intérieur de la membrane cytoplasmique et de la paroi cellulaire, dans des sens opposés. Ce pincement va entrainer la formation de deux cellules distinctes, par définition on dit qu’une génération est survenue.

La croissance constitue une étape essentielle pour la vie d’une population. En effet, les cellules ont une période de vie limitée, la croissance, définie par un accroissement du nombre de cellules, va donc permettre le maintien de l’espèce.

Pour aller plus loin :

Log N = rt Log 2 + Log N0

rtLog2=logN – Log N0

r= (LogN – Log N0 )/ t x Log2

r= pente/ Log2

N    

N

LogN

LnN

LnN

LogN

Temps

L’étude de la croissance bactérienne et le développement des populations a des implications pratiques importantes dans de nombreux domaines (alimentaire, pharmaceutique par exemple). C’est pourquoi nous allons voir ici les bases permettant de comprendre les phases de la croissance bactérienne.

Si l’on considère une population de départ noté N0, que l’on met à incuber dans un milieu de culture non renouvelé (sans addition supplémentaire de milieu).

Durant toute la durée de l’incubation, une mesure de la croissance est faite. Nous pouvons alors tracer N=f(temps) soit le « nombre de bactéries » en fonction du temps. On obtient une courbe ou différentes phases peuvent être distinguées :

N    

  • Phase de latence : Il n’y a pas de croissance, les bactéries s’adaptent au milieu. La durée de cette phase dépend de :
    • l’inoculum,
    • l’âge des bactéries,
    • la composition du milieu.
  • Phase d’accélération : la vitesse de croissance augmente.
  • Phase de croissance exponentielle : la vitesse de division est constante et maximum. Le temps de génération des bactéries pendant cette phase est le plus court. La masse cellulaire est en majorité représentée par des cellules viables (mortalité nulle).
  • Phase de ralentissement : la croissance diminue.
  • Phase stationnaire : Il y a compensation entre les bactéries qui meurent, par autolyse, et celles qui continuent à se multiplier. Cette phase est déclenchée par l’épuisement du milieu, et l’accumulation de déchets toxiques libérés dans le milieu par les bactéries.
  • Phase de déclin : Le nombre de bactéries viables diminue durant cette phase.

Lorsque l’on étudie une courbe de croissance on s’intéresse avant tout à l’évolution de la biomasse (N ou DO). Il nous faut donc des paramètres qui vont permettre de comparer la croissance de plusieurs bactéries entre elles sans se soucier de la quantité de bactéries introduites au départ.

Nous allons définir 3 paramètres de croissance.

Si l’on considère une population initiale N0, elle augmentera de la façon suivante, à chaque génération :

N0

N1= 2N0

N2= 2x2N0=22N0

N3=2x2x2N0=23N0

Donc après n génération Nn=2n N0

Le temps qui sépare deux divisions successives (ou temps nécessaire au doublement d’une population) est appelé temps de génération G.

Il est noté G :

G = temps / nombre de division (en min)

Le taux de croissance horaire (r) lui exprime le nombre de divisions effectuées par unité de temps.

r = n / t ⇒ n = rt (en div/h)

Avec n=rt       et       N=2n N0

On peut noter :     N=2rt N(1) 

Si l’on repart de notre courbe N=f(t), et que l’on s’intéresse à la partie exponentielle, ou la vitesse de division est constante et maximum, on observe que cette phase « tend » vers la formation d’une droite.

N    

Temps

Afin de simplifier et surtout de linéariser, nous allons effectuer une transformation de (1) en logarithme décimaux.

Temps

L’équation de la droite en phase exponentielle est de la forme :

Log N = rt Log2 + Log N0.         (y= axb)

On a donc

a= r x Log2

r= pente/ Log2

Vous trouverez dans la bibliographie un passage non pas en logarithme décimal (qui correspond à la fonction continue qui transforme un produit en somme et qui vaut 1 en 10), mais en logarithme népérien.

Temps

On définira alors la pente correspondant à µ, le taux de croissance népérien ou vitesse spécifique de croissance en h-1

µ =pente de LnNf(t)  en h-1

Si l’on récapitule nous avons 3 paramètres G, r et µ, que l’on va pouvoir calculer de la manière suivante :

Si on utilise LogN=f(t)

LogN

Temps

Taux de croissance horaire :

r= pente/ Log2  (en div/h)

Temps de génération :

G = 1/r (en h) 

Taux de croissance népérien = vitesse spécifique de croissance :

µ = r Ln2 (en h-1)

Si on utilise LnN=f(t)

Temps

Taux de croissance népérien = vitesse spécifique de croissance :

µ = pente (en h-1)

Temps de génération :

G = Ln2/µ (en h) 

Taux de croissance horaire :

r= µ / Ln2  (en div/h)

Pour le calcul de la pente, utiliser : Pente= (y2 – y1 )/ (x2 – x1) ou consulter les vidéos en cliquant ici.

Nous venons de voir les différents paramètres de croissance, cependant avant de pouvoir les obtenir il faut être capable de mesurer la croissance bactérienne. Pour cela plusieurs techniques sont utilisées afin de suivre, mesurer puis analyser la croissance. Certaines de ces techniques sont directes et vont permettre de dénombrer le nombre de bactérie vivantes et d’autre indirectes ne le permettent pas.

A partir de 1mL d’échantillon, on procède des dilutions successives au 1/10éme dans 9mL d’eau stérile. On obtient alors une série de dilution de 1/10, 1/100 ; 1/1000 etc .

Ensuite, 1 mL de chaque dilution est introduit dans une boite de Pétri et du milieu de culture est coulé, c’est un dénombrement en profondeur, où 0,1 mL de chaque dilution est étalé en surface sur le milieu de culture solide préalablement coulé dans la boite Pétri, c’est un dénombrement en surface.

Après incubation le nombre de colonies est compté, on suppose dans ce cas que chaque colonie est issue d’une bactérie, ce qui en réalité est faux. On parlera donc d’unités formant colonies (UFC), car une colonie provient de plusieurs bactéries.

Pour compter les cellules au microscope, des cellules de comptage sont utilisées. Ces cellules comme Malassez ou Thoma permettent de dénombrer les cellules présentent dans un volume précis de suspension et cela à l’aide d’un quadrillage.

Le dénombrement des bactéries est compliqué avec cette technique mais est très utilisé pour les levures. Une coloration préalable au bleu de méthylène permet de distinguer les cellules mortes (colorées en bleu) et les vivantes.

Cette technique est très utilisée pour l’analyse de l’eau et notamment lorsque le nombre des bactéries est bas. Pour cette technique on procède par filtration sur membrane de 100 mL d’eau puis la membrane est mise en culture sur boite de Pétri contenant de la gélose.

A l’aide de l’acridine orange, un colorant qui se fixe sur l’ADN, il est possible d’observer en microscopie sous UV, les bactéries vivantes qui apparaissent vertes et les bactéries mortes qui apparaissent rouges.

Plus une bactérie se développe dans un liquide plus ce dernier devient trouble. On observe la formation d’un « voile ». C’est ce trouble que l’on va mesurer grâce à un spectrophotomètre qui mesure la densité optique. Le spectrophotomètre réglé́ à une longueur d’onde de 600-620 nm va mesurer la lumière absorbée par une suspension bactérienne. Si l’on respecte des conditions techniques précises, l’absorbance est proportionnelle à la concentration cellulaire.

On peut déterminer la biomasse par de très nombreuses techniques le plus souvent cette mesure est effectuée en réalisant la détermination du poids sec.

L’activité des micro-organismes et donc de leur croissance, va varier en fonction des paramètres physico-chimique.

Connaitre ces facteurs et leurs actions sur la croissance va permettre un meilleur contrôle de l’activité bactérienne.

De nombreux facteurs environnementaux peuvent avoir un impact sur la croissance, néanmoins nous pouvons retenir quatre facteurs clés qui vont avoir une importance majeure.

L’eau est le solvant de la vie. Tous les organismes ont besoin d’eau disponible. En effet, on distingue la teneur en eau qui est la quantité d’eau en g pour 100 g de produit, (qui peut être exprimer en %) et l’activité de l’eau qui correspond à l’eau libre d’un produit ou eau disponible (sans unité).

L’activité de l’eau ou aw (Activity of water) correspond au rapport entre la pression de la tension de vapeur de l’air en équilibre avec une substance et la tension de vapeur de l’eau pure à la même température.

Les valeurs de l’aw varient entre 0 absence d’eau libre et 1 correspondant à l’eau pure.

Prenons l’exemple d’une éponge :

Lorsque l’on place cette éponge dans l’eau, elle l’absorbe.

Si maintenant on essore cette éponge, de l’eau coule… Cette eau représente l’eau libre, donc l’eau disponible.

En revanche si l’on observe bien cette éponge, on peut voir qu’elle est encore humide, et malgré tous vos efforts, impossible de l’éliminer complétement… C’est l’eau liée.

En ce qui concerne le développement bactérien, plus l’activité de l’eau diminue moins les germes se développent, car il y a de moins en moins d’eau disponible.

Des procédés de conservation ayant pour but de diminuer la disponibilité de l’eau sont très utilisés. En effet, les substances dissoutes ont une affinité pour l’eau, ce qui rend l’eau associée à ces composés non accessibles pour les micro-organismes. C’est le cas par exemple du sel (saumurage) ou du sucre (confiture) utilisé pour conserver les aliments.

Les aw limites de développement sont de :

  • 0,99 à 0,9 pour les bactéries
  • 0,99 à 0,8 pour les levures (peut aller jusqu’à 0,6 pour les plus osmophiles ou xérophiles)
  • 0,99 à 0,7 pour les moisissures (peut aller jusqu’à 0,6 pour les plus osmophiles ou xérophiles)

On parle de micro-organismes :

  • Halophiles quand ils se développent encore à une aw de 0,75 – 0,8
  • Xérophiles quand ils se développent encore à une aw de 0,65 – 0,75
  • Osmophiles quand ils se développent encore à une aw de 0,6 – 0,65

La présence de soluté peut également entrainer un phénomène d’osmose.

L’acidité ou l’alcalinité d’un milieu est exprimée par son pH (potentiel Hydrogène), qui correspond à la concentration en ion H+ dans le milieu. Plus la concentration est forte plus le pH est acide (entre 0 et 7), plus elle est faible plus le pH sera fort (entre 7 et 14).

Chaque organisme présente une gamme de pH où sa croissance est possible et optimale. La gamme de pH s’étend le plus souvent sur deux ou trois unités de pH, elle est bien définie selon les organismes.

Les organismes dont la croissance est meilleure pour des pH élevés (basique) sont appelés basophiles (exemple: Vibrio).

Ceux dont le pH optimum est aux alentours de 7 sont appelés neutrophiles (exemple: Salmonella).

Ceux dont le pH optimum est acide sont appelés acidophiles (exemple: Lactobacillus).

La température est un des paramètres ayant un impact important sur la croissance mais également le plus différent selon les micro-organismes.

En effet, la température influe sur les réactions chimiques et enzymatiques qui ont lieu chez les organismes vivants. Lorsque la température augmente, l’agitation moléculaire favorise les réactions et donc le taux de croissance augmente. Cependant, une trop forte augmentation de cette température peut dénaturer certaines molécules comme les protéines et ce de manière irréversible, provoquant ainsi une diminution brutale de la croissance. Pour chaque organisme il existe une température maximale, minimale et optimale (se rapprochant de la température max) de croissance.

On classera les micro-organismes en fonction de leurs température optimale de croissance.

Classes

Tmini °C

Topt°C

Tmax°C

Exemples

Thermophiles

45

55

65

Bacillus – Clostridium

Mésophiles

15

30

45

Entérobactéries – bactéries de l’Homme et des animaux

Psychrotrophes

4

15

25

Bactéries de l’environnement : Pseudomonas, Yersinia, Listeria

Psychrophiles

-1/-2

0

10

Bactéries de la glace

Cryophiles

-15

< 0

0/1

Bactéries fabricant des antigels

La présence d’oxygène (O2) est nécessaire à la vie humaine, néanmoins de nombreux micro-organismes peuvent vivre sans et parfois uniquement en absence d’oxygène.

Ces besoins et tolérances vont varier en fonction des micro-organismes, l’étude de leur type respiratoire va permettre de définir leurs rapports avec l’oxygène. On pourra alors les classer selon quatre grands groupes :

  • Les aérobies : sont capables de se développer en présence d’oxygène.
  • Les AAF ou aéro-anaérobies facultatifs : peuvent se développer en présence ou en absence d’oxygène.
  • Les AS ou anaérobies strictes : ne peuvent pas respirer l’oxygène.
  • Les micro-aérophiles : utilisent l’oxygène lorsqu’il est présent en pression partielle réduite. Leur capacité de respiration est limitée.

(Cf TP)

Les bactéries se divisent, croissent et meurent. Pour cela elles ont besoin :

  • Source de carbone
  • Source d’énergie
  • Donneur d’électron
  • Facteur de croissance

Elles devront donc retrouver ces éléments dans leurs milieux de culture.